4.7 Perspectives pour le Groupe BPCE

 

4.7.1 Prévisions 2022 : un retour contraint à la tendance d’avant Covid-19

 

Les tensions inflationnistes et la réapparition des incertitudes sanitaires, avec l’émergence d’une sixième vague de pandémie (Omicron) et le risque récurrent de mutation du virus, menacent d’autant plus le chemin des perspectives économiques des pays développés que la conjoncture mondiale semble avoir dépassé un pic. En outre, le potentiel de rattrapage issu des confinements antérieurs apparaît de moindre ampleur, sans parler des craintes de regain des tensions protectionnistes sino-américaines, voire éventuellement de crises géopolitiques. Une nouvelle phase du cycle économique se dessine désormais, du fait de la résurgence de freins fondamentaux à la fois internes et externes, freins auxquels s’ajoutent les problèmes doubles d’approvisionnement et de recrutement, les goulets d’étranglement, les hausses induites de prix et le retrait graduel des soutiens budgétaires européens et américains. Plus particulièrement, la dérive mécanique des prix, plus forte et peut-être moins temporaire qu’initialement prévu, provoque un prélèvement sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les marges des entreprises. Cela devrait entraîner un ralentissement de la dépense en 2022, que les mécanismes de restauration de la situation des bilans privés et publics sont susceptibles d’accentuer. Par ailleurs, le risque d’emballement des prix rend plus complexe la mission des banques centrales, tiraillées entre la nécessité d’endiguer l’inflation et la volonté de ne pas briser l’élan économique, d’ores et déjà en phase de tassement, aussi bien en Chine, qu’aux États-Unis et dans la zone euro. Tout ceci conduirait l’activité à retrouver naturellement sa tendance d’avant Covid-19, surtout à partir du second semestre, même si les moyennes annuelles prévues en 2022 portent largement la trace des effets d’acquis considérables des trimestres précédents et des politiques monétaires et budgétaires expansives antérieures.

Le risque inflationniste, qui est plus prégnant aux États-Unis, en Angleterre et dans certains pays émergents que dans la zone euro et au Japon, oriente la vitesse anticipée de normalisation des politiques monétaires. Outre-Atlantique, une boucle prix-salaires semble s’amorcer en raison de vives difficultés de recrutement (0,7 chômeur par poste disponible). La Fed pourrait opérer trois hausses successives mais modestes de ses taux directeurs dès mars 2022, tout en accélérant la réduction de son programme d’achats nets de titres publics, pour l’arrêter en mars au lieu de juin. En Europe, la forte hausse des prix à la production commence à se diffuser indéniablement aux prix à la consommation hors énergie. Elle ne débouche pas encore sur un processus d’accélération des salaires, tout en reflétant des effets de base importants et réversibles, comme la hausse des prix des carburants, puis l’explosion des prix des marchés européens du gaz et de l’électricité. La BCE, loin d’adopter la même approche que la Fed, laisserait inchangés ses taux directeurs en 2022, même si elle a décidé d’achever en mars ses achats nets d’obligations via son programme d’urgence (PEPP). Elle compenserait cependant l’effet négatif de l’arrêt du PEPP par un relèvement temporaire du programme classique d’achats nets d’actifs (APP). Ces choix découlent aussi probablement de la volonté de maintenir la soutenabilité des finances publiques italiennes et espagnoles. Cette divergence transatlantique des politiques monétaires se réfléchirait directement dans l’évolution comparée des taux longs, tout en continuant vraisemblablement de peser sur l’euro face au dollar en 2022. Les pressions inflationnistes s’atténueraient au second semestre, du fait du ralentissement économique, celui-ci réduisant à la fois les tensions exceptionnellement vives sur l’offre et sur les prix des produits énergétiques. Les prix du pétrole se situeraient autour d’un cours moyen de 75 dollars par baril (Brent), en raison d’une demande durablement incertaine et de la poursuite de la remontée graduelle de la production d’or noir. L’absence d’emballement sur les prix et le déversement antérieur de liquidités limiteraient alors la remontée des taux souverains, le taux des bons du Trésor américain à dix ans atteignant 1,9 % en moyenne annuelle, contre 0,4 % pour l’OAT 10 ans en 2022. Les taux réels demeureraient ainsi toujours très négatifs.

La croissance française s’approcherait de 4 % en 2022, grâce aussi à la stimulation du plan de relance. Elle se normaliserait cependant dès le second semestre 2022 vers sa vitesse tendancielle pré-pandémie de 1 % l’an, ce qui réduirait les tensions sur les prix. L’inflation atteindrait pourtant au moins 2,4 % en moyenne annuelle. Cette décélération économique serait d’autant plus logique que le déficit public soutiendrait nettement moins l’économie qu’en 2021. De plus, le choc de prix actuel exercerait un prélèvement de pouvoir d’achat pour l’ensemble de l’économie. Cette ponction serait plus marquée pour les entreprises, incapables à ce stade du cycle de répercuter l’intégralité de la hausse des coûts dans leurs propres prix. En outre, les résultats des entreprises pourraient se tasser, du fait d’une accélération relative des salaires face aux difficultés de recrutement, ce qui refroidirait leur volonté d’investissement.

En l’absence de mise en place de mesures sanitaires trop contraignantes, la conjoncture française serait tirée par plusieurs facteurs, malgré l’atténuation du rythme de croissance mondiale : la préservation antérieure du tissu productif et des revenus des particuliers, en dépit du tassement du pouvoir d’achat lié à la remontée de l’inflation ; la combinaison d’un assouplissement encore illimité de la BCE et de plans exceptionnels de relance budgétaire monétisée, maintenant durablement les taux d’intérêt à des niveaux extrêmement bas, en dépit de leur tendance à la hausse ; le recul potentiel du taux d’épargne des ménages, sans que celui-ci ne retrouve obligatoirement et rapidement son niveau d’avant crise ; la résilience de l’investissement productif et surtout du marché du travail.

Le Groupe BPCE a dévoilé le 8 juillet 2021 son nouveau plan stratégique BPCE 2024. (Document complet disponible sur le site https://groupebpce.com/le-groupe/plan-strategique)

Après 12 ans de transformation, le Groupe BPCE, très solide financièrement avec des positions fortes dans chacun de ses métiers, est en pleine capacité d’accélérer son développement en accompagnant ses clients dans la relance économique pour leurs besoins d’investissement.

La crise de la Covid a agi en effet comme un révélateur de tendances à commencer par la digitalisation, le travail hybride ou l’accélération de la transition énergétique, mais a également créé des attentes profondes en termes de proximité, d’accompagnement et de confiance, attentes pour lesquelles le modèle coopératif multimarque du Groupe BPCE s’inscrit en totale adéquation.

Le Groupe BPCE entend saisir pleinement ce momentum, et déployer tout le potentiel de son modèle coopératif multimarque et entrepreneurial afin d’être un leader de la banque, de l’assurance et de la gestion d’actifs au service de tous.

Le plan BPCE 2024 a pour signature « Plus Unis, Plus Utiles, Plus Forts » :

Plus Unis, car le Groupe BPCE, coopératif, multimarque et entrepreneurial renforce sa capacité à agir collectivement, par plus de simplicité, plus d’initiatives communes et plus d’investissements partagés ;

Plus Utiles, car le Groupe BPCE, grâce à son modèle coopératif singulier, apporte des réponses concrètes aux sujets majeurs de société qui préoccupent ses sociétaires, ses clients, ses collaborateurs et ses partenaires ;

Plus Forts, car le Groupe BPCE, est prêt à saisir toutes les opportunités de croissance en s’appuyant sur l’ensemble des expertises de son modèle multi-entreprises et multimarque, notamment sur des thématiques ciblées.

Ce plan de développement s’articule autour de trois priorités stratégiques :

Conquérant : 1,5 milliard d’euros de revenus additionnels dans cinq domaines prioritaires : la transition environnementale, la santé, les ETI, l’assurance non vie et la prévoyance et le crédit à la consommation. Le Groupe vise également l’accélération de son développement international à travers ses métiers globaux, Gestion d’actifs et Banque de Grande Clientèle, et certains métiers de financements spécialisés ;

Client : la plus haute qualité de service avec un modèle relationnel adapté, une approche pragmatique et locale du maillage d’agences, et des objectifs de NPS pour tous les métiers et entreprises du Groupe ;

Climat : des engagements concrets et mesurables s’inscrivant dans une trajectoire « net zéro », soutenus par des outils de mesure dédiés, et l’accompagnement de tous les clients dans leur transition environnementale.

Il s’appuie sur trois lignes de forces :

Simple : une organisation plus simple, plus lisible et plus efficace, avec la simplification de son organisation au travers du retrait de la cote de Natixis, et celle de ses systèmes d’information, et l’accélération de la transformation de ses services bancaires ;

Innovant : en changeant d’échelle sur la data, avec des usages au service du business et de toutes les fonctions de la banque ; en accélérant dans les paiements pour accompagner la digitalisation du commerce ; en dessinant le futur du travail à travers le travail hybride, les programmes de formation et les parcours internes ;

Sûr : une amélioration de sa performance économique ; une maîtrise des risques, avec un objectif du coût du risque inférieur à 25 points de base en 2024 ; une confirmation de sa fonction de tiers de confiance à travers son modèle relationnel, l’éthique sur l’utilisation de la data et une sécurisation technologique renforcée.

Pour les métiers de Banque de proximité et Assurance, le Groupe ambitionne de déployer une stratégie de développement ambitieuse et rentable sur tous ses marchés, avec une stratégie centrée sur la relation avec des conseillers incarnant le lien de confiance, s’appuyant sur la densité territoriale, la technologie digitale et l’utilisation éthique des données au service des clients et des collaborateurs.

Pour les deux métiers globaux de Global Financial Services, Gestion d’actifs et de fortune et Banque de Grande Clientèle, le Groupe a une ambition commune autour de trois axes : nous diversifier, au bénéfice de nos clients et de notre développement ; nous engager, pour la transition énergétique et une finance responsable ; nous transformer, et investir pour créer une valeur durable.

À horizon 2024, le Groupe BPCE ambitionne de réaliser un PNB d’environ 25,5 milliards d’euros avec une croissance de ses revenus d’environ 3,5 % par an, un coefficient d’exploitation en 2024 inférieur à 65 % et un résultat net part du groupe supérieur à 5 milliards d’euros.

Pour 2022, les perspectives économiques restent globalement positives, tant pour la consommation que pour l’investissement. Toutefois, l’environnement reste marqué par la pandémie Covid-19, les difficultés d’approvisionnement de certains secteurs, une hausse des prix des produits manufacturés et une envolée des prix de l’énergie. Ce retour de l’inflation entraîne une hausse des taux de l’épargne réglementée le 1er février 2022, le taux du Livret A et celui du Livret de Développement Durable et Solidaire passant de 0,5 % à 1 % et le taux du Livret d’Epargne Populaire passant de 1 % à 2,2 %. Bien qu’ayant revu ses prévisions d’inflation à la hausse, la Banque centrale européenne ne prévoit pas de relever ses taux directeurs dans l’immédiat, contrairement à la FED et à la Banque d’Angleterre.

Ces perspectives pourraient par ailleurs être impactées par le contexte géopolitique. Fin février 2022, la Fédération de Russie a lancé une action militaire d'envergure en Ukraine.

Alors que l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN, la réaction occidentale a été forte. De manière concertée, l’Union européenne, les Etats-Unis et de nombreux autres états ont adopté une série de sanctions inédites, prévoyant notamment le gel des avoirs à l’étranger de la Banque centrale russe, l’exclusion de banques russes de SWIFT, de multiples groupes occidentaux annonçant par ailleurs leur désengagement de la Fédération de Russie.

Même si le sujet essentiel de l’énergie et du gaz naturel demeure pour l’instant hors champ des mesures prises de part et d’autre, les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont annoncé leur intention d’interdire l’importation de pétrole et de gaz russe. Par ailleurs, de nouvelles mesures et sanctions économiques pourraient être adoptées, notamment par l’Union européenne et les Etats-Unis, et des mesures et sanctions économiques en représailles pourraient être adoptées par la Fédération de Russie. Ce conflit pourrait avoir des conséquences majeures sur l’économie russe mais aussi pour les économies occidentales et plus généralement sur l’économie mondiale. Le risque de défaut de paiement sur la dette russe, la montée de l’inflation et la perte de pouvoir d’achat pour la population en Russie sont conséquents. Une remise en cause des perspectives de croissance et une pression inflationniste accrue ne peuvent être écartées tant aux Etats-Unis qu’en Europe.

S’agissant des expositions nettes de garanties (expositions directes en bilan et hors bilan nettes de garanties sur des clients russes ou ukrainiens), elles sont respectivement de 788[1][2] millions d’euros sur la Fédération de Russie (dont 615(1) millions d’euros sur des contreparties Corporates et Financements structurés) et de 63(1)(2) millions d’euros sur l’Ukraine au 28 février 2022.

En outre, dans le métier de la Gestion d’actifs pour le compte des clients du Groupe, l’exposition sur la Russie des différents fonds gérés par les sociétés de gestion de Natixis Investment Managers, correspondant principalement à des investissements dans des obligations émises par l’Etat russe, est de 302(1)millions d’euros au 28 février 2022 et de 97(1) millions d’euros sur l’Ukraine.

Par ailleurs, un risque lié à des mesures d’expropriation que pourraient prendre les autorités russes vis-à-vis des sociétés étrangères, en représailles des sanctions occidentales, est évoqué.

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Données de gestion

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Expositions brutes : eq. 1 310 millions d’euros sur la Fédération de Russie et eq. 122 millions d’euros sur l’Ukraine

 

A cet égard, le Groupe BPCE détient une filiale en Russie, Natixis Moscou, dont les fonds propres s’élèvent au 31 décembre 2021 à eq. 73 millions d’euros, dont eq. 48 millions d’euros de dettes subordonnées auprès de Natixis. Natixis est également émetteur de placements privés structurés libellés en rouble à hauteur de 83(1) millions d’euros au 28 février 2022. Parmi les ressources levées en rouble, environ eq. 58(1) millions d’euros sont utilisés pour le refinancement de la filiale. L’essentiel de l’actif de cette dernière se compose début mars 2022 de prêts en rouble ou en devises à des contreparties bancaires ainsi que des excédents de liquidité de la filiale auprès de la Banque centrale de Russie (de l’ordre de eq. 66(1) millions d’euros début mars 2022).

En complément, les fonds propres de la filiale ukrainienne et de la filiale russe du groupe Oney ne sont pas significatifs.

Outre les éléments précités, le risque de marché direct sur des actifs russes ou en rouble n’est pas matériel.

Enfin, les fonds et mandats d’H2O AM sont exposés à un panier de devises émergentes dont le rouble russe. L’exposition longue sur le rouble russe a été construite via des forwards avec settlement physique à maturité. Au 3 mars 2022, cette exposition représente moins de 7,5 % de leur exposition brute globale aux devises.

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Données de gestion